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R.A.S.

par El

 

 

Waw. Ca fait bien 479 jours qu’aucun mot n’a réussi à s’enchainer avec son voisin lorsqu’il tentait de s’extirper de mes mains. Le problème quand on aime les mots mais qu’on manque d’imagination, c’est que si on veut pouvoir se les faire s’entrechoquer, le seul moyen c’est de raconter sa vie. Ou celle des autres. Ou de parler d’un machin qu’on aime, ou que d’autres aiment, ou..

Moi j’veux pas. Alors je tortille des fesses en attendant que l’idée suprême me pleuve au coin de la gueule.

J’ai rien à raconter. Elle a 21 ans, est amoureuse, a des parents aimants, un frère, une sœur, un vélo d’appartement. Aime le théâtre, ses amis, le bonheur, la folie, et même la vie.

R.A.S. Quelle tristesse.

Toutes ces conneries. Tu branches les conduits et en un éclair le reste du monde continue de tourner mais toi tu pourries comme une merde dans un trou de perfection. De non-inspiration. Faut bien se lancer, ça pourrait presque finir par revenir au fur et à mesure. Ou fuir à la mesure. Disturbia. Oui bien sur, tu ne connais pas ce mot. Moi non plus tu me diras. Ca m’empêche pas de l’apprécier. C’est comme tout le reste, je connais pas grand-chose, ça m’empêche pas de juger. Parfois même de m’émerveiller. Vous m’en direz tant.  Parfois je suis dégoutée. Sans raison je pleurs. Je dégueule. Quand tout va d’un calme plat, le seul ennui qu’on a c’est le blanc. Tout ce blanc ça me débecte, ils en foutent partout, ils tapissent, enduisent, recouvrent, il y en a que pour le blanc. Il y a que dans l’extrême qu’on puise suffisamment de forces pour se permettre l’audace de s’évader à la couleur, au noir intense et brulant. Et s’envoyer en l’air, en l'air transparent.

 

Du moins c’est ce qu’aurait dit Pierrette, 16 ans et demi, scorpion ascendant scorpion. Qui pense encore qu’un jour elle se débectera de l’épanouissement de jouir sans entrave. Et brisera le cœur d’Arnaud, le piétinant cruellement, le broyant de tout son sadisme, aimant ça si fort qu’elle le laissera se pendre à l’espoir que c’est lui qu’elle aime, à mort amore.

Elle aura raison Pierrette, c’est bon de faire ça.

De se croire si puissant, si seul, qu’on peut jongler de vie en vie. D’avis en avis. Etre n’importe qui. Libre, au service de la séduction. Et détruire sans raison, vivre de l’abandon. Et se flatter d’être aimé contre vents et marées.

Tristan lui, ça lui fout la nausée. Toutes ces conneries, les romantico-déstructeurs, les super anti-héros. Du snobisme. Du « je ne veux ressembler à personne, je suis unique, un poète incompris. » Il lui répondrait surement un truc du genre : « Etre tendre, votre exquise ferveur face à cet état mental d'insatisfaction caractérisé par un déséquilibre entre un désir ou une attente et sa réalisation du fait qu'il n'est pas (encore) réalisé, me pousse à croire que cette définition wikipedienne ne vous laissera pas dans l'absolu mécontentement d'un manque ignoble. »

Et il aurait raison Tristan. C’est bon de dire ça..

 

Pierrette: "J'aurai pu répondre d'une prose gorgée d'inspiration mais mon esprit lucide vogue vers l'intime évidence qu'une courte phrase, saine et simple, apporterait d'avantage de désarroi dans le mélange aqueux de ton organe sentimental : tu ne vaux rien."

Ouais, Pierrette aime qu’on ne l’aime pas. Pour le plaisir de la répartie, l’effervescence de la rhétorique.

 

Tristan: "En proie à ton despotisme, mon avis n'est qu'arbitraire et ne fait référence à aucune équité. Et, bien que tous ces mots laissent glaner l'autocratie d'une conviction d'un sens partial, tout ceci n'est que faribole et billevesée. Mais tu l'auras voulu, je rectifie et en rajoute. Pour que ma parole ne soit pas trop spécieuse ou captieuse. Et bientôt l'insidieuse irréalité me fera connaitre tous les synonymes enjôleurs de la tortueuse hypocrisie."

Ouais, Tristan aime dire n’importe quoi. Pour l’euphorie de la riposte, l’ébullition du phrasé.

 

Mais ça ne me dit toujours pas ce que je vais pouvoir raconter.

 

Hrmm. HRMM.

Ok, je m’avance sur l’estrade et me prends les pieds dans le micro. Je manque de tomber sur la binoclarde du premier rang mais l’idée d’apercevoir de plus prêt ses boutons, me fait reculer d’un magistral bond.

Magistral. Ca larsen. Je me lance. Tant pis.

Mon amour,

Je te taperais bien dans le dos d’une frappe amicale, mais on n’est pas amis.

Je te soufflerais bien de doux billets d’anciens amants, mais on n’a jamais été amants.

Je t’enverrais bien des banalités de Paris, mais ça n’est pas banal, et je ne suis plus à Paris.

 

Tu me tapas dans l'œil, et mon cœur n'en revint pas.

Il a soufflé sur nous un vent d'ailleurs, de ceux qui glissent entre les doigts.

Je t'envoie navrée, mais je le sais, tu ne reviendras pas.

 

Je persiste à taper ces mots sur lesquels tu ne t’arrêtais plus.

Je continue de souffler ce refrain qui ne te raisonnera plus.

Tu t'obstines à t’envoyer en l’air et je ne te plais même plus.

 

Je tape, j’efface.

Je souffle, je froisse.

J’envoie, j’t’embrasse.

 

Arnaud. Pendu.

 

 

Pierrette: "Quand tu m'écris ce genre de choses ça me fait une sorte de ptit picoti à l'intérieur. Ca m'étouffe de plaisir et ça m'libère à l'hémistiche. Tu m'renvoies à la marge, t'es mon alinéa do mineur, un bémol en trémas. T'es une clé de sol qui jouerait de la mandoline sur une dune en carton. Un acrobate en équilibre sur son violon. T'es une poupée russe, comme celles que tu.. Enfin tu vois. T'es ptit, t'es grand, on t'emboite. Mais au final, c'est quand même Toi qui nous rentre dans la peau."

Pierrette. Sangsue.

 

Il lui répondra surement qu’il l’aime, que si elle voulait bien s’abandonner à l’amour il lui offrirait monts et merveilles, qu’il la connait mieux que quiconque, qu’il veut juste être avec elle, qu’il sait lui, qu’elle n’est pas aussi horrible, qu’elle est belle et puis sensible.

 

Pierrette: "Je n'ai d'endroit sensible qu'où mon orgueil décide de l'être. Pour le moment mon orgueil restera fier et digne, en tout point insensible."

Mais Pierrette est comme une main qui se tend pour mieux vous laisser tomber.

 

Arnaud: "On passe une journée plus que médiocre, obligée de supporter l'humour de gens qui n'en ont pas, on voudrait être ailleurs, on sait que ce soir on y sera. Ma plaidoirie. Je voulais juste être avec toi.."

Et Arnaud est comme un con à se laisser piétiner, déchirer, insulter.

 

Alors ce soir, ils iront boire chacun de leur côté.

 

Tristan: "J'ai des remontés de vodka qui pétillent sur mes papilles par brides de 17 minutes entre chaque, sans compter les pubs. Elle voudrait demeurer imperceptible-floue-imaginaire-indécodable-extraordinaire-spatiale-nomade-antibanale. Tant qu'ça. elle réussit. Une bouche dessinée. Smokeuse, elle m'as fumé. Drogué, je m'y suis piqué. Les corps s'imbibent d'alcool. La jeunesse décolle. Et mon ange s'y brûle son auréole. Sert moi fort mon bébé. Et plus si infinité."

 

Pierrette: "Il s'inquiète pas de moi. Il baise une connasse qui prend son pied avec ses doigts. Anti-citoyenne, je suis si vile. Un grand moment. A petites doses. Faites une trêve. Je ressens quelque chose. Cette nuit j'ai fait un rêve. Un rêve bleu. Ma vie en rose."

Merci Edith.

 

Non moi c’est Pierrette.

Ouais.

 

Pierrette, à maintenant 19 ans, a pleuré une bonne partie de la nuit, a fini par s’endormir, dans son vomis.

Oui car Arnaud est mort noyé, quand à Tristan, elle l'a attendu devant chez lui une mauvaise partie de la nuit, et l’a vu rentrer au bras d’une demoiselle (mon dieu qu’elle était belle) la galochant allégrement. Dans les dents.

 

Pierrette: "La folie. J'ai cru que mes deux couvertures superposées l'une sur l'autre pour éviter au froid hivernal de me donner froid l'hiver, tentaient par un subterfuge improbable mais néanmoins pas mal pensé, bande de ptites pisseuses suceuses de fioul, de m'étouffer. Hallucinant." 

 

Plus rien à signaler.

 

 

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